Québec Méga Trail 160 KM : Mon récit de course

Québec Méga Trail 160 KM : Mon récit de course

Départ de Baie St-Paul à 20h dans la cour intérieure de l’Hôtel Germain. Grosse fiesta, il y a plein d’amis sur place pour venir assister au départ, l’ambiance est à la fête. Sur le départ il y a moi, Vincent et Dave qui nous lançons sur la distance. Après s’être entraîné ensemble dans les derniers mois et parlé de la course à tous les jours sur Messenger, il est enfin temps de passer aux choses sérieuses. Nous sommes plus de 200 coureurs à affronter le défi de 160km et 6500 mètres de dénivelé positif.

 

Vincent - Dave & moi

Premier 4km sur route, on roule bien, la température annoncée est clémente. Humide, mais pas trop. On discute avec quelques coureurs. Un autre Vincent #2, ami d’un ami maintenant ami, se lance pour la première fois sur un 160km après avoir complété une belle course de 100km aux États-Unis plus tôt dans l’année. On croise Anne Champagne qui semble avoir le couteau entre les dents et quelle belle surprise de voir Phil & Cath nous attendre sur la route avec une pancarte « 1 mile in, 99 to go ».

Merci pour le rappel.

 

On rentre doucement dans la première montée, la patate commence déjà à chauffer, je prends mon rythme. Dave a un objectif ambitieux et réalisable de rentrer la distance en 24 heures et grimpe un peu plus rapidement que moi & Vincent. Après un abandon à Bromont en octobre dernier, j’ai décidé d’y aller plus conservateur et de ne pas bruler de cartouche en début de course. Étonnamment, Vincent décide lui aussi d’y aller mollo pour débuter, on se suit donc pour les premiers segments. On croise d’ailleurs un coureur qui est détenteur d’un record Guinness d’un marathon avec une planche à repasser dans les mains. À chacun ses projets personnels pendant la pandémie.

 

KM 10 : On longe la route, dans une trail bien roulante, Vincent se tord la cheville sur un caillou. Ça pince, mais il est capable de courir et pas d’augmentation de la douleur dans les KM suivants. Surveillons.

KM 20 : On arrive au premier ravito, JP et Anne-Marie m’attendent pour un ravito express, ils vont assurer mes 2 premiers ravitaillements de nuit. Dave est devant en bonne forme selon leur dire.

KM 33 : On débute la montée au massif, ça se passe assez bien. Après un arrêt au bois, je rejoins Vincent qui commence à avoir très très mal à la cheville. Il peine à marcher avec ses bâtons en appui. Il dit que sa course est terminée et qu’il arrêtera au prochain ravitaillement. Je reste avec lui quelques minutes et je lui dis que je vais demander un 4 roues pour lui au ravito si jamais c’est possible. Nos chemins se séparent à ce moment-là.

KM 39 : Ravito Massif, changement de bas pour préserver les pieds en début de course, je tente de faire le tout rapidement, Dave prend encore plus d’avance sur nous. Je remercie une dernière fois JP et Anne-Marie pour l’assistance de nuit et je repars (trop) rapidement, je me rends compte que je n’ai même pas pris le temps de prendre de la bouffe solide offerte au ravito par l’organisation, mais bon, pas le temps de revenir sur mes pas, je suis prêt à affronter le reste de la nuit et le sentier des caps. À partir de ce moment, je connais la majorité du reste du parcours puisque j’ai fait plusieurs segments en entrainement dans les derniers mois, ça rassure mon mental et appréhende moins la suite.

KM 52 : Arrivé au ravito Cap Salut, ça fait au moins 1h30 que j’ai de la difficulté à manger, c’est très humide, mon estomac est un peu à l’envers je me rassure en étant capable de bien m’hydrater, mais je suis dans un creux. Il est 3h-3h30 du matin et je me demande comment je vais finir par finir cette section jusqu’au km80. Le ravito n’a rien de solide à mon goût, je me contente de 2-3 bananes et un peu de coke. Je me fais rejoindre par 2 coureurs donc Vincent #2 qui semble aller assez bien. En partant du ravito les 2 passent devant assez facilement, je continue à avoir de la misère avec mon estomac et je ne suis pas capable de courir sur les parties plus roulantes. Le creux continu.

KM 58 (ishh) : J’entends des voix dernières et vois 3 lampes frontales qui s'approchent. Tout près, j’entends un bout de conversation :  « ma cheville faisait si mal, mais le gars au ravito massif m’a fait un taping miracle et m’a dit que j’étais bon pour continuer la course ». Je cri : VINCENT ! Ça répond : AYM ! My mannn !

Vincent est revenu d’entre les morts, j’oublie tous mes tracas, mon mood change instantanément, le sourire revient, la faim et les jambes aussi. On avance en petit groupe en se racontant nos dernières heures de course, on rattrape Vincent #2 et faisons un bout jusqu’au Cap Gribane.

KM 66 : Ravito Cap Gribane, ça va bien, on mange un peu, Vincent se fait renforcer son tapping et on repart, destination Saint-Tite-des-Caps. On roule bien, la majorité du segment est en descente, mais on a bien hâte de changer de décors. Le sentier des Caps se ressemble un peu trop à notre goût, une fois sur le dernier 2km avant le ravito à Saint-Tite, on voit Dave au loin, qui pense bel et bien arrêter sa course puisqu’il a passé toute la nuit seul à se raconter des histoires à lui-même. On tente de le remonter un peu, je suis convaincu à ce moment-là qu’il va repartir avec nous pour la suite.

KM 80 : Ravito mi-parcours !! Mon crew officiel pour le reste de la journée est là, Simon qui va embarquer comme pacer au KM 103 et Marie-Ève nous attendent tout prêt avec tout le nécessaire, changement de soulier, bas, t-shirt, on prend le temps de prendre le temps, c’est presque comme au spa. On repart à 3  moi, Vincent & Dave sous une belle pluie pour affronter le dernier segment avant de rejoindre le mont St-Anne.

 

(vérification de la pression & poids obligatoire de mi-parcours)

KM 87 : Tout juste avant d’entrer officiellement dans la Mestachibo, on se bute à un sentier bouetteux/vaseux/impraticable qui a complètement été défait par la horde de coureurs du 50 KM qui sont passés un peu plus tôt. On prend beaucoup de temps et d’énergie à en venir à bout. Dans la descente avant le pont, Dave est une vingtaine de mètres derrière et Vincent en a assez de me voir derrière lui, il me dit de passer et d’y aller à fond pour le reste puisqu’il sait que sa cheville ne va pas en s’améliorant. Je l’écoute et pars seul devant, c’est la dernière fois que je vais voir les gars de la journée. J’affronte la Mestachibo seul, il fait chaud, mais pas trop, je trempe mon foulard au cou à chaque occasion que je peux et suis dans une bonne forme en général. C’est long y venir à bout, mais je sais ce qui m’attend pour l’avoir fait quelques fois dans les derniers mois. Je monte les escaliers Jean Larose et fais le restant du chemin vers le ravito MSA. Je croise JP et Anne-Marie qui font une petite ballade sur le parcours.

 

KM 103 : Que du bonheur de revoir tout plein de visages familiers, Émilie est là avec petit Paul, Kim, Enzo, les crews de Dave et Vincent aussi. On prend un bon 15min pour se changer au complet, manger des pastas, le soleil est enfin sorti et on attaque la montée + ½ de la montagne, j’ai Simon mon pacer qui va me tirer jusqu’à la fin, je n’ai aucun doute d’arriver à la ligne d’arrivée à ce moment-là. Le segment se fait bien, je connais chaque pas et chaque tournant à faire pour les prochains 30 kilomètres, on avance bien, les pastas au ravito en haut de la montagne soutiennent ma faim sans problème.

(vous ne savez pas à quel point ce brossage de dent a fait du biennn!)

 

KM 112 : Descente du versant nord pour aller rejoindre l’Auberge du Fondeur, on clanche cette partie roulante, j’ai des jambes aujourd’hui il faut croire. On dépasse beaucoup de coureurs, mais à chaque fois ils sont sur une autre distance, je peine à croire qu’on ne va pas aller chercher un coureur du 160 km un jour.

 

KM 124 : Ravito fondeur, on se refait une beauté et le plein de pasta, la prochaine fois que je passerais ce ravito, il ne restera que 10 KM à faire. On repart, coup de fatigue, je commence à m’imaginer des animaux ou des gens dans les arbres/branches au loin, mais je m’accroche, je sais qu’il n’en reste pas gros à faire. Simon me fait faire du 1min course - 1min marche ou un bon « on court jusqu’à l’arbre là-bas » pour apporter un certain rythme et ne pas tomber dans la monotonie de fin de journée.

 

KM 139 : On croise finalement une coureuse du 160 KM, Mylène qui est habituellement loin devant dans toutes les courses que j’ai faites en même temps qu’elle. Sa journée a été un peu plus difficile, mais elle s’accroche elle aussi, nous y sommes presque. En haut de la montée du Saint-Hilaire, on voit le mont St-Anne au loin et on sait qu’on touche à l’arrivée.

 

KM 150 : Ravito express, on prend le nécessaire, on croit être à l’arrivée dans 1h15-1h30, mais on voit la possibilité de rentrer la distance en moins de 28 heures de course, on se laisse donc prendre au jeu et on clanche la dernière section en bonne et due forme. On court toute la section, c’est le 2e 10km les plus rapides de ma course !

 

Arrivée tout juste avant minuit !

 

 

Vincent a terminé le parcours en un peu plus de 30 heures et Dave a finalement été contraint à arrêter au KM 124 avec une douleur au genou.

 

Remerciements :

-Émilie, qui m’a donné sa bénédiction d’aller me lancer dans une course de 160km avec un bambin de moins de 2 semaines. On l’a fait. Je t’aime 

-Nico, qui me permet d’avancer dans les distances tranquillement, mais surement, en qualité sans prise de tête.

-Mes partners de course Gab, Vincent, Dave pour partager des journées d’entrainements à se râler de la sauce comme s’il n’y a pas de lendemain, les heures passent toujours plus vite en bonne compagnie.

-Simon & Marie-Ève, pacer et crew deluxe d’avoir pris soin de moi jusqu’au bout et d’avoir proposé de dédier votre samedi complet pour moi à quelques semaines de la course.

-À moi, d’avoir cru en moi après un brin de doute suite à l’abandon du 160km de Bromont l’année dernière. De me permettre de prendre du temps pour m’entrainer à devenir « un peu plus meilleur » jour après jour pour atteindre mes objectifs.

 

What’s next ?

Je vous reviens bientôt, j’ai passé les derniers jours à scruter les courses aux 4 coins du globe. On n’apprendra jamais…!

 

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